Féministe et hétérosexuelle : antinomiques?
Je suis une femme, féministe ET hétéro. Les combats féministes ont toujours eu une grande importance à mes yeux. Bien plus qu’une simple conviction, il s’agit là d’une nécessité : j’ai été marquée, dès mon plus jeune âge, par les injustices et les inégalités que subissent les femmes. Mais voilà : j’aime les hommes.
Féministe par nécessité
Voyez-vous, lutter contre le patriarcat, revendiquer l’égalité des droits et des opportunités, dénoncer les violences sexistes, cela fait maintenant partie de mon identité. Je m’informe, je participe à des manifestations et je défends la cause du mieux que je peux, à mon échelle. Je me bats pour déconstruire les stéréotypes de genre et je me refuse même à me conformer aux attentes sociales traditionnelles qui pèsent sur nous.
À terme, cette quête pour l’égalité m’a grandement forgée et comme beaucoup, j’ai fini par ressentir une colère légitime face à la persistance de ces inégalités.
"Le féminisme ne consiste pas à être contre les hommes, mais contre le système qui oppresse les femmes et rigidifie les hommes."
Une colère légitime
Si cette colère s’est d’abord transformée en ressentiment envers les hommes, c’est en ce que la plupart d’entre eux sont complices, consciemment ou non, de ce système oppressif. À chaque fois que l’on minore la voix d’une femme, que l’on ignore sa souffrance et ses revendications, ou qu’on lui fait subir de la violence symbolique, psychologique et parfois même, physique, c’est un pas de plus vers la suprématie du patriarcat que l’on fait.
C’est pourquoi la prise de conscience doit être collective et individuelle, et surtout inclure autant les hommes que les femmes. Cela implique de reconnaître les privilèges masculins, et à ce jeu, il m’a semblé que peu d’hommes étaient partants.
J’ai pourtant essayé, de renseigner voire d’éduquer sur ce système. Mais force est de constater que j’ai été très peu entendue. C’est pourquoi, habitée par une sorte de fatalisme, je me suis resignée. Et à mes yeux, les hommes n’en valaient plus vraiment la peine.
Hétéro ... par hasard ?
Puis, je suis tombée amoureuse. Non pas d’une femme ou d’une personne non-binaire, mais bien d’un homme.
Je dois avouer que cela a remis en cause pas mal de choses dans ma vie, créant ici et là des dissonances cognitives. La contradiction était telle que j’en suis venue à questionner les fondements de mes propres croyances.
J’avais là un homme tendre, compréhensif, respectueux, qui contrastait totalement avec les traumatismes laissés par ses congénères.
J’étais donc une femme, féministe, hétéro, et un peu perdue.
Féministe et hétéro :
Un doux paradoxe ?
Que faire face à ce profond paradoxe ? Ma misandrie fut anéantie, au détour d’un regard masculin porté à mon égard. Pourtant, je me suis toujours refusée à attendre une quelconque validation masculine. Et voilà que je me suis surprise à n’exister pleinement qu’à la rencontre de cette autre altérité.
À terme, à force de communication sincère, d’écoute attentive et d’accueil empathique de mes émotions, j’ai fini par me demander si au fond, une relation saine et égalitaire n’était pas envisageable. J’irai même encore plus loin en disant qu’il m’apparaît maintenant clairement que cette lutte pour l’égalité doit reposer sur une franche collaboration avec le masculin.
Un féminisme qui inclut les hommes...
Car si le féminisme se doit de prendre en compte la pluralité des identités féminines existantes, il doit aussi reconnaître que les hommes ne sont pas tous les mêmes. Et surtout, qu’il existe des êtres capables de remettre en question les fondements même du système auquel ils appartiennent.
C’est de la sorte que certains parviennent à se déconstruire, et même, à faire évoluer la cause dans leurs comportements individuels et quotidiens.
... pour lutter efficacement
Enfin, je suis persuadée que la destruction du patriarcat ne se fera pas sans l’aide précieuse d’hommes souhaitant renoncer à leur statut de dominant, au profit d’un traitement plus juste des femmes.
C’est pourquoi il est essentiel de comprendre que le féminisme ne consiste pas à être contre les hommes, mais bien contre le système qui oppresse les femmes et rigidifie les hommes.
Un poids invisible
Puisqu’au fond, le patriarcat ne réussit à personne. Et si les hommes peuvent jouir d’un certain confort du fait même de leur condition et qu’ils n’ont pas à subir le sexisme au quotidien, il n’en demeure pas moins que celui-ci pèse sur eux de manière insidieuse.
Leur liberté émotionnelle compromise, leur contrainte à se conformer à des stéréotypes de virilité… tout cela engendre une pression invisible et pourtant, bien présente.
Un partenariat pour l'égalité
C’est donc en travaillant ensemble à la déconstruction que nous pouvons espérer construire une société plus juste et équitable.
En ce sens, une féministe hétéro, n’est pas antinomiques : c’est au contraire une belle opportunité d’appliquer des principes d’égalité et de respect dans un aspect très concret de la vie.
En somme, le féminisme ne doit pas être perçu comme une opposition aux hommes, mais comme une invitation à collaborer pour déconstruire le patriarcat.
Ensemble, nous avons le pouvoir de bâtir des relations basées sur l’égalité et le respect.